Comment pardonner l’impardonnable ?
Le pardon.
Petit mot pour une grande signification. Sa prononciation engendre souvent des crispations et des interprétations diverses et variées.
Nous avons parfois du mal à pardonner à la caissière du supermarché de ne pas nous avoir souri…
Alors comment pardonner à quelqu’un qui nous a trahi, humilié, trompé, manqué de respect, eu des paroles ou des actes blessants ?
Comment pardonner à quelqu’un qui nous a frappé, escroqué, volé, harcelé ?
Et comment pardonner l’impardonnable ?
Comment pardonner à ceux qui nous ont enlevé une personne chère à notre cœur, à ceux qui nous ont agressés sexuellement ou qui s’en sont pris à nos enfants ? Comment pardonner aux responsables de viols, de tortures, de meurtres ?
Cela paraît parfois tout bonnement impossible. La douleur et la rancœur sont tellement grandes que nous ne trouvons pas la force de pardonner. Et parfois nous ne voulons pas pardonner.
Comme si pardonner reviendrait à cautionner les actes qui nous ont blessés, comme si cela reviendrait à oublier. Ne pas pardonner nous donne aussi l’impression de refuser ce qui s’est passé, de maintenir un lien avec cette situation qui nous paraît insurmontable et qu’on ne veut pas accepter. Comme si ne pas accepter la rendait moins réelle et laissait une possibilité de revenir en arrière pour l’empêcher.
Cela nous donne l’impression de reprendre un peu de maîtrise sur cet événement sur lequel nous n’avons eu aucune prise et qui nous désarme.
Mais ce n’est qu’une illusion. L’absence de pardon ne permet qu’une seule chose : l’absence de paix.
Pardonner ce n’est pas oublier, ce n’est pas cautionner, ce n’est pas donner l’absolution et cela n’empêche pas de prendre les mesures d’éloignement ou de poursuites judiciaires qui s’imposent.
C’est simplement se donner une chance d’avoir un avenir. C’est trouver la paix et la sérénité. C’est se libérer du fardeau de la rancœur, c’est abandonner ce poids qui empêche d’avancer.
C’est accepter ce qu’il s’est passé, reconnaître que c’est arrivé, pour ne plus laisser cet événement et cette personne contrôler le reste de notre vie.
C’est honorer ceux que nous avons perdus en profitant de la vie dont nous avons la chance de pouvoir jouir et en arrêtant d’en gâcher la moindre seconde.
Il n’y a aucune loyauté envers ceux qui sont partis dans le fait d’entretenir de la rancœur envers les responsables, aucune preuve d’amour dans le fait de souffrir de leur absence, aucune preuve de la gravité de l’acte dans le fait d’arrêter d’être heureux et de profiter de la vie.
C'est seulement une perte de temps et d’énergie qu’on pourrait utiliser de milliers de façons plus bénéfiques pour nous et pour les autres, et également une souffrance infligée à ceux qui nous aiment et nous voient nous éteindre.
Un cœur rempli de rancœur ne peut plus réellement aimer. Nous sommes donc incapables d’aimer nos proches comme nous le voulons et comme ils le méritent. En restant dans la rancœur nous agissons nous-mêmes en bourreaux envers des personnes innocentes. Dont nous-mêmes.
Mais même quand la tête a accepté et souhaite pardonner, le cœur n’est pas toujours prêt à le faire. Trop meurtri, refermé sur lui-même, il meurt à petit feu sans trouver la force de surmonter les traumatismes malgré toute la bonne volonté. Il faut aider un peu le cœur pour que le pardon puisse le guérir. Il faut ouvrir son cœur et laisser l’amour le nettoyer.
Pardonner n’est pas une pensée, pardonner est un acte. Pardonner ne vient pas de la tête, cela vient du cœur.
Mais où est le mode d’emploi ? Où est donc ce bouton magique du pardon sur lequel appuyer ? Tout le monde en parle, « pardonnez donc ! » … Et nous voilà encore plus désemparés face à ce concept qu’on peine à toucher du bout du doigt et qu’on finit par rejeter faute d’avoir la moindre preuve de son accessibilité et encore moins de son efficacité.
Heureusement pour nous, certaines personnes ont découvert le mode d’emploi et sont aujourd’hui en mesure de le partager avec nous.
Je devrais plutôt dire « les » modes d’emploi. En effet, il n’y a pas une seule façon de pardonner, il existe plusieurs chemins qui mènent au pardon. Nous sommes tous différents, nous avons tous vécu des choses différentes qui nous ont impactés de façon diverses et à chacun de trouver la méthode qui lui correspondra pour chaque situation.
Dans ses livres « Miraculée » et « De l’horreur au pardon », ainsi que dans le film « L’Infinie Puissance du Cœur », Immaculée Ilibagiza livre un très beau témoignage illustrant les capacités insoupçonnées de notre cœur, autant comme organe physique que comme centre des émotions.
Cette survivante du génocide du Rwanda, dont toute la famille a été massacrée à la machette, a été confrontée aux pires horreurs possibles et a passé 91 jours cachée dans une salle de bain de la taille d’un placard avec sept autres femmes sans pouvoir parler ni bouger.
Elle a pourtant pardonné, trouvé la paix et reconstruit sa vie.
Elle donne un message d’espoir et d’amour qui nous prouve que si elle a pu pardonner l’impardonnable, nous pouvons tous y arriver, quels que soient les événements qui sont survenus dans notre vie.
Oui, nous pouvons tout pardonner et guérir de tout.
Immaculée Ilibagiza en est la preuve vivante.
Il s’agit d’une personne comme vous et moi. Elle est passée par la haine, le sentiment d’injustice, la volonté de revanche, ce n’est pas une none bouddhiste qui a eu l’illumination au sommet d’une montagne. Elle est tombée au plus bas enfermée dans cette salle de bain.
Mais elle a pris conscience qu’elle avait deux choix : l’ombre ou la lumière. La rancœur et la haine ou le pardon, l’amour et la paix.
Elle a senti ce poison de la rancœur et de la haine infiltrer son cœur. Et elle a fait le choix de vivre différemment. Elle s’est rendu compte qu’elle devait remplir son cœur d’amour pour ne pas laisser de place où la noirceur pourrait s’infiltrer. Tout comme le noir est l’absence de lumière, la haine est simplement l’absence d’amour.
Immaculée a trouvé sa force en parlant à Dieu avec son cœur, en lui demandant de l’aider à pardonner, à rester dans la lumière, de guérir son cœur et le remplir d’amour.
Selon les croyances et sensibilités de chacun, Dieu peut tout-à-fait être remplacé par l’Univers, le Moi Supérieur, les Anges Gardiens, l’Âme, le Subconscient, la Vie ou tout ce qui vous convient.
L’important est de prendre du recul et de demander de l’aide avec son cœur.
En demandant qu’on nous donne la force de pardonner, de nous libérer du sentiment d’injustice, de la haine, de la colère, de la rancœur et autres poisons et d’ouvrir notre cœur à l’amour et au pardon, en demandant à être nettoyé de toutes pensées négatives et d’être rempli de lumière et de paix pour guérir notre cœur et aimer de nouveau, on ouvre une porte, on se libère pour se reconstruire.
On refuse également d'alimenter les énergies négatives et on nourrit le positif autour de soi.
Sans pardon, on ne fait que perpétuer un cycle de haine, de violence et de souffrance. L’histoire du Rwanda en est l’exemple le plus parlant et le plus bouleversant. Les Tutsies fuyant les Hutus emplis de haine qui les massacrent, les Hutus à la fin de la guerre fuyant le pays par peur de représailles des Tutsies emplis de haine et de vengeance… Pour qu’ensuite les Hutus veuillent à leur tour venger leurs morts ? Jusqu’à quand ?
Immaculée a pu marcher au milieu des gens appartenant à l’ethnie de ceux qui ont massacrés les siens sans être consumée par la haine parce qu’elle avait conscience de quelque chose de fondamental : il faut à tout prix briser le cercle de la haine.
Si la victime devient le bourreau par vengeance, le bourreau devenu victime redeviendra un jour bourreau, d’où un cycle de haine et de souffrance pour tous.
Si la haine et la vengeance apportaient quelque chose ça se saurait.
La plupart des gens qui ont connu l’effet de la vengeance, les personnes dont un proche a été assassiné, ne se sont pas sentis mieux après l’exécution du coupable dans les pays où la peine de mort existe toujours. Beaucoup ont même regretté cette exécution a posteriori (voir sur ce sujet les travaux du ForgivenessProject).
La vengeance ne résout donc pas le problème. Elle est une perte de temps et d’énergie. Voire une perte de soi-même. Quand on a déjà trop perdu, veut-on en plus se perdre soi-même ?
Ce qui est fondamental dans le récit d’Immaculée Ilibagiza et qui est rarement dit au sujet du pardon, c’est que ce n’est pas un acquis. Non le pardon n’est pas immuable.
On peut avoir pardonné et retomber dans la haine. En retournant dans son village, Immaculée a de nouveau ressenti cette haine puissante. Elle avait pourtant pardonné auparavant mais la haine est revenue. Heureusement, elle savait désormais comment s’en libérer.
Il faut donc avoir conscience que le pardon est un acte quotidien, c’est une gymnastique, c’est un choix que l’on fait, un exercice auquel on s’entraîne tous les jours.
Pardonner c’est cultiver l’amour, c’est faire le choix de la lumière et de la joie à chaque seconde, c’est ne pas laisser de place à l’ombre.
Olivier Clerc, compare cela à une douche et nous rappelle que nous nous douchons quotidiennement et non pas une ou deux fois par an.
Dans son livre « Le Don Du Pardon », il nous partage une technique permettant d’accéder au pardon qui lui a été enseigné par le chaman toltèque Don Miguel Ruiz (auteur des best sellers « La Maîtrise de l’Amour » et « Les 4 Accords Toltèques »).
Lors d’un voyage au Mexique, Don Miguel Ruiz a bousculé toutes les croyances d’Olivier Clerc en lui enjoignant de demander pardon aux membres du groupe qui l’accompagnait, sans raison apparente, sans rien ajouter. Don Miguel Ruiz lui dira ensuite de demander pardon à ses boucs émissaires, à ceux qu'il a diabolisé. Puis à plus-grand-que-soi. Et enfin à lui-même.
Par ces étapes symboliques et surprenantes, Don Miguel Ruiz enseigne à renverser la vapeur, à prendre ses responsabilités et donc à être acteur plutôt que victime.
Demander pardon aux autres, demander pardon à ses boucs émissaires, à ceux qu'on a diabolisés et à plus-grand-que-soi sert à ouvrir une nouvelle perspective sur le pardon, celle de ne pas attendre que l’autre nous demande pardon, mais de lui demander pardon de l’avoir utilisé comme prétexte pour fermer notre cœur et cesser d’aimer.
Se demander pardon à soi-même vient en dernier car il n’est souvent possible d’accomplir cette étape qu’après avoir fait sauter toutes les résistances avec les étapes précédentes. On est alors prêt à se demander pardon de s’être jugé, d’avoir cessé de s’aimer et de s’être coupé du flot de l’amour.
Cette pratique renverse les codes établis et permet à ceux qui rencontrent des difficultés pour pardonner de réussir à accéder au pardon par un autre chemin qui « rouvre ce qui s’était fermé et verrouillé de l’intérieur », en passant par « la porte située à l’extrémité inverse, celle de demander pardon ».
Dans son dernier livre « Peut-on tout pardonner ? », Olivier Clerc aborde les principaux obstacles au pardon et nous explique comment les surmonter afin de nous donner des clés supplémentaires pour réussir à atteindre le pardon quelle que soit la situation ou la personne concernée.
Il nous explique que le pardon est le remède aux blessures du cœur, qu’il permet de retrouver goût à la vie, de ressentir de nouveau de la joie et de priver l’autre du pouvoir qu’il pensait avoir sur nous.
Pardonner à l’autre est donc un acte d’amour envers nous-mêmes.
Il nous fait également prendre conscience que le cœur est un. En l’ouvrant d’un côté, on l’ouvre automatiquement de l’autre. Mais dans le sens inverse si on le ferme, on le ferme à tout. Si on bloque l’amour, on n’en reçoit plus.
En s’appuyant sur la méthode « Radical Forgiveness » de Colin Tipping, Olivier Clerc nous propose également de voir la situation sous un autre angle en considérant que tout a une raison d’être, un sens, une finalité, même si nous n’avons pas l’explication aujourd’hui. Avec cette vision des choses selon laquelle il n’y a rien à pardonner car rien n’arrive par hasard, il nous propose la voie de la confiance en la vie et en l’avenir, la croyance en la certitude que quelque chose de bon sortira de chaque situation.
Olivier Clerc nous parle également de la pratique hawaïenne Ho‘oponopono qui reprend à sa façon les postulats des approches précédentes sous la formule « Désolée, Pardon, Merci, Je t’aime ».
Ces mots signifient la prise de sa responsabilité dans le sens de la reprise en main de sa vie (et non de la culpabilité), la demande de pardon à l’autre et à soi-même d’avoir contribué à la situation ou d’avoir fermé son cœur, la gratitude d’avoir pris conscience et appris, et la résurrection de l’amour.
Cette pratique ancestrale part du principe que l’humanité est une et que l’autre éveille des émotions négatives en nous par résonance. En se changeant soi-même, l’autre changera donc également de comportement.
Lise Bourbeau apporte une vision complémentaire en expliquant que les personnes qui nous font souffrir ne font en réalité qu’appuyer sur une plaie non cicatrisée pour nous montrer que nous avons une blessure qui n’est pas guérie. Ils nous donnent ainsi la chance d’en prendre conscience et de la soigner.
Dans certaines situations, ils nous font simplement ce que nous nous faisons à nous-mêmes sans nous en rendre compte.
Lise Bourbeau nous invite également à prendre conscience que très souvent la personne qui pose un acte nous faisant souffrir et ressentir du rejet ou de l’injustice par exemple, ressent ces mêmes émotions envers nous.
Elle nous suggère alors de nous demander : « si je ressens du rejet et de l’injustice par le comportement de l’autre, qu’est-ce qui peut faire que cette personne ressente du rejet et de l’injustice par mon comportement ? ».
Elle nous rappelle également qu'il arrive que, malgré nous, nous fassions également souffrir les autres.
Cette approche nous aide à une plus grande prise de conscience et nous ouvre à la compassion, pour les autres et pour nous-mêmes, afin d’avancer.
Comme l’a écrit Neale Donald Walsch dans son livre « Conversations avec Dieu », chacun fait comme il peut, nous cherchons tous à atteindre le bonheur et à diminuer la souffrance. « Ce sont des enfants qui ne savent pas ce qu’ils font ».
Lorsque nous atteignons le pardon, nous avons accès à la compassion, au non jugement et à la bienveillance envers ceux qui se sont engagés dans le chemin de l’ombre.
Cette libération vient avec la prise de conscience que les actes commis n’étaient pas dirigés personnellement contre nous mais un poison que l’auteur s’est administré à lui-même. Regardons-le avec compassion, non jugement, bienveillance, et continuons notre route sur le chemin de la lumière en lui souhaitant de le trouver un jour.
La vie devient plus facile quand on apprend à accepter les excuses qu’on n’a jamais eues. R.Brault.
Pour atteindre le pardon et la compassion, il est nécessaire de prendre le temps.
C’est un processus de guérison qui se fait rarement en un claquement de doigts. Il est important de s’autoriser à prendre le temps de pleurer et de ressentir la tristesse et la colère, puis demander de l’aide pour retrouver le rire et la joie et aller à son propre rythme.
Testez tous les outils pour trouver celui ou ceux qui vous aideront à atteindre le pardon, ne vous découragez pas.
Et trouvez des raisons de rire.
Cherchez jusqu’à ce que vous trouviez. Le rire est une habitude, cultivez-là. Si vous n’y arrivez pas, continuez, persévérez.
Faites-vous une liste des choses qui vous amusent et qui vous font rire. Faites les choses inscrites sur cette liste le plus souvent possible. Enrichissez-la régulièrement.
Jusqu’au jour où un éclat de rire emportera les derniers résidus de souffrance et vous aurez l’impression de respirer à nouveau, comme si une barrière était enfin tombée.
Le rire est la musique de l’âme, il guérit et ouvre la porte à l’amour.
Mélodie Sachs.
PS : il existe des "Cercles de Pardon" basés sur le livre d'Olivier Clerc dont l'idée de base est formidable mais, comme beaucoup de mouvements collectifs, l'énergie est parfois infiltrée et parasitée par des énergies basses. J'ai vu les conséquences de certains de ces Cercles donc je ne vous les recommande pas, à moins que vous soyez certains que celui auquel vous voulez assister a été protégé et est resté "pur". Ecoutez votre intuition et faites preuve de discernement avant de rejoindre un groupe et de faire un travail énergétique collectif. Même si l'intention est formidable, si les personnes en charge n'ont pas l'expérience pour protéger et tenir l'espace il peut y avoir du parasitage et des conséquences non souhaitées. Vous pouvez faire le travail en autonomie sans vous relier à un tel groupe, le pardon est principalement un travail intérieur et intime
Pour aller plus loin :
« L’infinie puissance du cœur » Baptist de Pape
« Miraculée » et « De l’horreur au pardon » Immaculée Ilibagiza
« Le don du pardon » et « Peut-on tout pardonner » Olivier Clerc
« Conversations avec Dieu » Neale Donald Walsh
« Les 5 blessures » Lise Bourbeau
www.olivierclerc.com
www.iofc.org/fr/au-dela-du-pardon-beyond-forgiving
www.mercijetaime.fr
Puissante et très inspirante interview de Robert Savoie dont le père a été assassiné : http://mastef.tv/pourquoi-pardonner/
Trois façons de pardonner par Stéphanie Milot suite à l'interview de Robert Savoie : http://mastef.tv/3-facons-de-pardonner/
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Super article ; j’apprécie beaucoup. J’ai mis du temps à comprendre ce qu’était le pardon. Je crois avoir enfin compris une partie du pardon en lisant un livre sur le Ho‘oponopono de Laurent Debacker. Désolé d’avoir entretenu le ressentiment envers…, pardon de t’avoir rendu responsable… et surtout pardon à moi-même de ne pas avoir fait ce qu’il faut… Merci à toi de m’avoir fait prendre conscience et la vie de m’avoir fait avancer, ….. je t’aime, je t’aime à moi qui vient de franchir une étape et merci à l’Univers de me faire vivre des expériences pour que j’avance.
L’essentiel est de comprendre qu’il faut que l’on se pardonne nous et non l’autre. L’émotion dure très peut de temps, c’est le sentiment que l’on nourrit après qu’il faut traiter.