Et si on arrêtait de s’attaquer ?

J’ai grandi au contact de la culture asiatique où il est important de permettre à l’autre de ne pas « perdre la face », c’est-à-dire d’avoir le respect de ne pas contredire ou critiquer ouvertement l’autre en public de façon humiliante. Il est enseigné d’exprimer son désaccord avec tact, douceur et d’une façon qui ne met pas « au pilori » et permet à l'autre de toujours garder sa dignité.

Certains peuvent trouver ça hypocrite. Personnellement, je trouve que c’est une grande preuve de compassion et de respect.
Cela pousse aussi à la compassion et au respect pour soi-même.

Ne pas attaquer l'autre n’empêche pas d’exprimer ses besoins, de dire son désaccord.
Celui-ci est simplement réfléchi, formulé d’une façon respectueuse, non attaquante, non humiliante et non blessante. 

C’est aussi une façon de prendre ses responsabilités et d’avoir une position plus consciente dans le monde.

J’ai également passé 5 ans au Canada où le respect de l’autre est aussi imbriqué dans la culture. 

On dit souvent des asiatiques et des canadiens qu’ils sont « gentils ». 

En réalité, c'est surtout que beaucoup d’entre eux sont simplement respectueux.

Ils incarnent un tact, une responsabilisation, une conscience mise sur leurs paroles et leurs actions.

Avoir baigné dans ces cultures me rend peut-être encore plus sensible à ces façons d’être et à l’impact de nos façons de nous adresser aux autres.

Je vois beaucoup de gens qui attaquent les autres dès qu’une petite chose les dérange, dès qu’ils ne sont pas 100% d’accord. Certains vont même chercher avec zèle les potentiels points de désaccord pour pouvoir se lancer dans une joute verbale.

C’est comme s’il fallait à tout prix rabaisser l’autre, montrer que l’on sait mieux, faire « perdre » l’autre pour gagner un concours invisible auquel l’autre n’a pas décidé de participer et dont il n’est même pas au courant de l'existence.

Cependant, dans une conversation, si l’un perd, tout le monde perd. La richesse de l’échange est perdue.

Je vois parfois des personnes s’affronter, alors même qu’elles sont d’accord, simplement pour imposer un mot de vocabulaire, faire croire qu’une formulation est plus « juste » qu’une autre…

On peut presque parler d’addiction à l’affrontement, au drame, à l’adrénaline.

Une addiction au besoin d’avoir raison, d'être meilleur que l'autre, d'imposer sa vision, de rabaisser pour se sentir meilleur.

Cette addiction vient probablement de l’éducation, des traumas… 

Dans notre société, on nous a appris qu’il ne fallait pas avoir tort, pas poser de questions stupides. 

Beaucoup de gens ont grandi dans la violence verbale, l'humiliation, l'agressivité, le fait d'être rabaissés, de ne pas avoir le droit de parler, d'être jugés, critiqués... Ce qu’ils reproduisent à leur tour.

Nous avons quasiment tous été confrontés à cela, ne serait-ce qu'à l'école. Qui n'a pas eu, au fil des années, au moins un professeur qui traitait les élèves comme des moins que rien et les rabaissait ? Pour beaucoup d'entre nous, ils ont été nombreux et cela a commencé très jeune.

Par réponse au trauma, à force d’avoir été brimé à chaque mot prononcé, de nombreuses personnes aujourd’hui « aboient » plus qu’elles ne parlent, « mordent » par peur de se faire mordre en premier, imposent leur vision pour se sentir plus en sécurité.

Ce manque de conscience et de respect de l’autre, traduit un manque de conscience et de respect pour soi.

Je pense qu’il est essentiel de restaurer ce respect, de construire cet amour de soi qui n’a pas été encouragé dans l’éducation.

Observer nos comportements, mettre de la conscience dans nos interactions serait un grand pas pour notre guérison collective et la création d’un espace où chacun se sentirait réellement en sécurité.

Il est de notre responsabilité d’améliorer nos communications.

Avoir du respect pour l’autre, lui parler gentiment même lorsque l’on n’est pas d’accord, ne pas l’affronter, avoir le souci de maintenir la dignité de chacun, nous permet aussi d’avoir de la compassion et du respect pour nous-mêmes lorsque nous avons l’impression de nous être trompé.

Nous avons tous le droit de nous tromper, de faire des erreurs.

Nous avons aussi tous le droit de voir les choses différemment, d’utiliser des mots différents, d’avoir une conception différente du monde. 

Ce n’est pas parce que nous voyons les choses différemment ou avec différentes nuances, images, mots… que l’un a forcément tort et l’autre forcément raison.

Plusieurs vérités cohabitent.

Et si nous commencions à parler non pas pour nous attaquer et nous affronter, mais pour nous enrichir ? 

Pour ajouter des nuances ? Pour ajouter des mots et formulations ? Pour mieux nous comprendre ? Pour proposer des exemples supplémentaires ? Pour avancer et évoluer ensemble ? Pour apporter de la valeur et de la douceur ?

Et si nous instaurions respect, compassion, dignité et collaboration dans nos conversations ? 

Au lieu d’un concours où tout le monde perd même lorsque l’on a l’impression d’avoir gagné…

Plus on prend l’habitude de parler aux autres avec respect et douceur, plus on apprend à se parler à soi-même de cette façon.

« Aboyer » sur les autres, les attaquer, les confronter, les critiquer, les rabaisser, montrer qu’on a raison et l’autre tort, n’est qu’un symptôme de comment la personne se traite elle-même. 

Le monde a besoin de personnes en amour avec elles-mêmes et les autres.

Cela nous arrive à tous de critiquer et de vouloir montrer que l’on a raison. 

L’important n’est pas d’être parfait, mais de remarquer ces moments et de peut-être mettre de la conscience sur l’insécurité qui y est rattachée, sur les critiques que nous nous adressons, la rigidité que nous nous imposons, le manque d’estime et de respect que nous avons pour nous-mêmes. 

C’est une opportunité pour adoucir les choses, saisir l’occasion de nous donner plus d’amour, de valeur et de compassion et en donner plus à l’autre.

Pas à pas, il y aura de plus en plus d’interactions plus douces et un nouveau modèle remplacera tranquillement l’ancien

Le premier pas est la conscience et l'observation de nos intéractions.

Si tu arrives à te demander de plus en plus souvent :

• "Comment puis-je exprimer mon opinion de façon à ce que toutes les parties gagnent ?",
• "Quelle pourrait être la version de ma phrase en ajoutant douceur, respect, responsabilité, ouverture et collaboration ?" 

Tu constateras sûrement que tes relations seront de plus en plus douces et paisibles, tout comme ta relation à toi-même 😍

Cela ajoutera également de la douceur, du respect, de la conscience... dans toutes les parties de ta vie et dans le monde ❤️